vendredi 29 juin 2018

L'effondrement qui vient...

Notre monde est devenu un amoncellement de systèmes complexes - politiques, économiques, industriels, financiers - qui s'imbriquent les uns dans les autres et impactent très négativement d'autres systèmes complexes - climatiques, sociaux, culturels, biologiques, écologiques – indispensables à notre survie en tant qu'espèce humaine.

Les rétroactions potentielles nous sont connues : catastrophes naturelles, récession économique, crashs financiers, déflation, chômage massif, effondrement systémique, pollution, guerres civiles, famines, révolutions, terrorisme, dictatures... Notre monde si complexe, d'un degré de complexité jamais atteint dans l'histoire de l'humanité - ce qui le rend extrêmement efficace mais le fragilise tout autant -, est à bout de souffle. Il ne survivrait pas à une nouvelle crise financière mondiale.

Notre civilisation, comme tant d'autres avant elle dans l'histoire, se heurte à la loi des rendements décroissants : après avoir produit le meilleur d'elle-même, en permettant au monde moderne d'émerger et de se développer, elle décline inexorablement depuis son apogée à la fin du XXe siècle. Ce déclin se traduit, notamment, par son incapacité à régler ses problèmes financiers autrement que par un endettement croissant des États, et par là-même par un asservissement accru des collectivités et des individus qui les composent.

Cet endettement collectif est la contrepartie de la richesse qui s'accumule presque mécaniquement entre les mains d'une minorité d'entités privées ; au prix d'un creusement des inégalités, d'une destruction massive de l'environnement et de la biodiversité, et d'un épuisement alarmant des ressources naturelles : eau, terres arables, énergies fossiles, métaux rares...

Rien, dans le modèle de développement et de croissance de notre civilisation occidentale, qui a donné naissance à la société industrielle et au capitalisme financier, n'est durable ou soutenable désormais, au delà d'une échéance plus ou moins brève : en raison de la contrainte écologique, qui limite les ressources naturelles auxquelles nous avons potentiellement accès. Les lois de la physique et de la thermodynamique s'appliquent aussi aux marchés.

Le premier rapport Meadows du Club de Rome, sur les limites de la croissance, le pointait déjà du doigt en 1972, peu avant que n'éclate la crise pétrolière de 1973, et que ne soit définitivement entérinée la fin des Trente Glorieuses - avec les premières vagues de licenciements économiques, le début du creusement des dettes publiques, et la mise en œuvre des premières politiques d'austérité dans les pays développés.

Cette première édition du rapport Meadows situait l'effondrement inévitable de notre système économique à l'horizon d'un siècle, et la fin de la croissance cinquante ans plus tôt, c'est à dire en 2022. Nous y sommes presque. La seconde édition, parue en 1992, confirmait ces projections sur la base de modèles plus élaborés, et constatait qu'après deux décennies d'inertie, l'humanité avait dépassé les capacités de la planète à supporter la croissance de son système économique.

L'empreinte écologique de l'humanité, calculée en fonction des besoins de chacun pour survivre en terme d'alimentation, d'eau, d'énergie, d'habitat et de biodiversité, est aujourd'hui d'une terre et demi. Nous consommons plus de ressources naturelles que la terre ne peut en produire dans une période de temps donnée, et produisons plus de déchets qu'elle n'en peut absorber ou digérer.

Cette empreinte écologique est trois à quatre fois supérieure à la moyenne dans les pays riches, où vivent 15 % de la population mondiale. Elle a doublé depuis 1960, et devrait encore doubler d'ici à 2050 si nous ne faisons rien pour l'empêcher. Sa progression promet de devenir exponentielle, alors que de plus en plus de pays émergents, dont la population explose, tendent vers un niveau de vie comparable à celui des pays riches.

La dernière révision du rapport Meadows, parue en 2013, se montrait nettement plus pessimiste que les précédentes, en dépit des nombreux progrès constatés sur les plans technologique et institutionnel pour faire face à la crise écologique depuis le sommet de 1992.

La situation s'est dramatiquement aggravée en l'espace de quelques décennies, en terme d'impact des activités humaines sur l'environnement, d'accentuations de certaines rétroactions climatiques comme la fonte des glaces polaires, de destruction de la biodiversité, mais aussi de fragilisation du système financier - dont les crises sont devenues systémiques -, de précarisation des populations, de tensions sociales et politiques, de violence, d'intolérance et d'injustice.

Il suffirait d'un battement d'aile de papillon à l'autre bout du monde pour que tout s'écroule. Que les marchés financiers paniquent soudain – en raison d'un simple relèvement des taux directeurs par les banques centrales (c'est à dire du prix de l'argent qu'empruntent les investisseurs pour spéculer) ; du déclenchement d'un nouveau conflit ; de l'éclatement d'une bulle immobilière à l'autre bout de la planète ; d'un accident nucléaire ou d'une catastrophe climatique – pour que la bulle des marchés d'actions et d'obligations, qui n'a cessé de gonfler ces dix dernières années, éclate subitement, précipitant le monde entier dans une profonde récession.

Toutes les conditions sont d'ores et déjà réunies pour que ce cataclysme se produise. Une nouvelle crise financière systémique, face à laquelle les gouvernements et les banques centrales seraient cette fois-ci impuissants – et dont la question n'est pas tant de savoir si elle se produira mais quand -, ne serait que le premier stade d'un effondrement civilisationnel beaucoup plus profond. Lui succéderait immanquablement une crise économique, sociale et politique sans précédent.

Dans le scénario le plus noir, la plupart des réseaux de distribution – d'énergie, de produits de première nécessité, de communication, etc. - s'écrouleraient progressivement. Les distributeurs de billets seraient bientôt vides ; et les étals des magasins aussi, après avoir été pillés ou bien dévalisés. Les moyens de paiement électroniques ne fonctionneraient plus. Les banques feraient faillite, et la masse monétaire fondrait. Tous les avoirs en monnaie scripturale, inscrits sur des comptes bancaires dans des registres informatiques, disparaîtraient ou ne seraient plus accessibles.

Les circuits d'approvisionnement à flux tendus, de produits de première nécessité ou de consommation courante, seraient progressivement rompus. Les coupures d'électricité deviendraient monnaie courante, avant que ne survienne un black-out total. L'eau potable ne coulerait plus des robinets.

Les services publics ne seraient plus assurés, ni la sécurité. La production industrielle s'effondrerait. Les raffineries de pétrole fermeraient. Il n'y aurait plus d'essence à la pompe. Le cœur des centrales nucléaires ne serait plus refroidi. Les trains ne circuleraient plus. La monnaie fiduciaire perdrait l'essentiel de sa valeur, qu'aucune banque centrale ne pourrait plus garantir.

Le chaos s'installerait, en particulier dans les villes, où des bandes errantes se disputeraient l'accès aux ressources vitales. Une guérilla urbaine larvée se déclencherait. Il n'y aurait bientôt plus d'eau potable, de nourriture, d'électricité ou de fioul pour se chauffer ; plus d'hygiène ni de médicaments. Des épidémies se propageraient. L'humanité s'orienterait vers un effondrement global de sa population au niveau mondial, comme nombre d'espèces en ont connu un avant elle ces dernières décennies.

C'est le scénario apocalyptique qu'anticipent les « survivalistes » : celui que nos générations ont la responsabilité de rendre le plus improbable possible, à défaut de pouvoir le rendre totalement impossible.

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