vendredi 8 septembre 2017

Cryptosphère

(english translation)

Nous sommes entrés dans l'ère de la "cryptosphère". C'est la raison principale qui me pousse à ouvrir ce blog. Le besoin de décryptage de cette nouvelle révolution informatique est patent. Je me retrouve de plus en plus, chaque jour, en situation de devoir expliquer ce que sont les crypto-monnaies ou la blockchain, à des personnes qui ne sont pas du tout prêtes à en entendre parler, ni préparées à comprendre de quoi il s'agit. Et je rencontre beaucoup de scepticisme, comme je pouvais en rencontrer au milieu des années 90, lorsque j'évoquais le Web ou Internet.

Nous sommes pourtant à l'aube de vivre une troisième vague de décentralisation informatique massive, après celle de la micro-informatique dans les années 80 et 90, et celle d'Internet dans les années 90 et 2000. La première de ces vagues a décentralisé les capacités de stockage et de traitement de l'information, en les faisant migrer des gros systèmes centralisés vers des ordinateurs personnels. Miniaturisation des composants et loi de Moore aidant, le smartphone est aujourd'hui l'incarnation ultime de cette évolution : un ordinateur de poche mille fois plus puissant qu'un gros système IBM des années 70, qui s'est transformé en indispensable assistant personnel.


La deuxième vague, celle des réseaux, a décentralisé la production et l'échange d'information, à tel point qu'on imagine aujourd'hui (ce n'est d'ailleurs plus de l'ordre de l'imaginaire) de faire communiquer directement des objets entre eux (et non plus seulement des personnes), dans un environnement sans fil où ils sont eux-mêmes producteurs d'information et en mesure, grâce aux algorithmes et à l'intelligence artificielle qu'ils embarquent, de la traiter directement pour déclencher des actions. Ces objets sont même capables de comprendre ce que nous disons, et d'exécuter nos commandes vocales. Avec eux, l'homme entre dans l'ère du dialogue avec les machines.

La troisième vague, que nous nous apprêtons à vivre, va décentraliser la création et l'échange de valeur, et non plus seulement d'information, par voie informatique et sans aucun intermédiaire. La cryptographie, ce qu'on appelle le chiffre en France, est au cœur de cette révolution, dont on est loin de mesurer toutes les conséquences. C'est la cryptographie qui assure la confiance dans le système mis au point par Satoshi Nakamoto - l'auteur non identifié du livre blanc qui a donné naissance à la crypto-monnaie bitcoin - et le caractère infalsifiable de son registre public distribué. Grâce à la cryptographie, il est possible de créer des monnaies indépendantes de toute autorité, qu'il s'agisse d'un Etat ou d'une banque centrale. Et c'est loin d'être anodin.

La monnaie a toujours été un symbole de pouvoir. Et un moyen de l'exercer. Permettre la création ex-nihilo de monnaies indépendantes sur Internet, c'est offrir à des communautés ou des populations entières la possibilité d'instaurer un contre-pouvoir monétaire face aux Etats et aux banques centrales. Et par là-même face au système financier international. Le livre blanc de Satoshi Nakamoto ouvre une nouvelle perspective véritablement émancipatrice, pour le meilleur comme pour le pire. La monnaie s'en trouve potentiellement libérée des contraintes réglementaires dont elle peut faire l'objet, et des manipulations qui sont souvent le fait de ses propres organes centraux, particulièrement en période de crise.

Face à une nouvelle crise systémique, qui verrait s'écrouler des pans entiers de l'économie mondiale - et des monnaies comme le yen, le dollar ou l'euro s'effondrer -, les Etats et les banques centrales resteraient cette fois-ci impuissants. Mais des crypto-monnaies indépendantes pourraient désormais prendre le relais, et permettraient de développer une nouvelle économie sur les ruines de l'ancienne, à l'échelon local comme global, et sur des bases entièrement nouvelles, distribuées et décentralisées. S'il n'y avait qu'un seul enseignement à tirer du livre blanc de Satoshi Nakamoto, ce serait celui-là. Il ouvre des perspectives purement vertigineuses, que ce blog a vocation à explorer.

2 commentaires:

  1. Merci Philippe ! J'attends la suite avec impatience. Laure C.

    RépondreSupprimer
  2. Voilà une belle entrée en matière. Ravie de ce nouveau blog éclairant. Almaz

    RépondreSupprimer

L'effondrement qui vient...

Notre monde est devenu un amoncellement de systèmes complexes - politiques, économiques, industriels, financiers - qui s'imbriquent le...